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Fictive

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27 janvier 2013

Romero et Juliette

Shaun of the Dead -

(2004)

Edgar Wright

 

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Shaun, modeste vendeur d'appareils Hi-Fi, mène une vie routinière tournant autour de la pratique des jeux vidéo et de la fréquentation de son pub favori, Le Winchester, avec Ed, son meilleur pote de toujours. Une vie tellement routinère que sa petite amie Liz   finit par le quitter, lasse de voir leur romance s'installer durablement comme un pillier de bar au Winchester, et zonée systématiquement par Ed, son-meilleur-pote-de-toujours. Accablé par cette rupture qu'il perçoit comme la fin de son monde actuel, Shaun va bientôt être confronté à une véritable fin du monde...

 

Ca, j’adore ! Il y a une vraie proposition – amusée, mais amoureuse – de genre, un  authentique cocktail parfaitement dosé d'humour et d'horreur. Quoi de plus noble d'ailleurs qu'une comédie horrifique ?

 

La mise en place des éléments est brillante, le glissement du quotidien vers le (franchement) bizarre idem, drôle en même temps qu’angoissante (ces deux plans-séquences rejouant le trajet à l’identique ante- et post-apocalypse sont prodigieux !) car Wright ne sacrifie jamais l’horreur pour l’humour : il fait rimer cris et rires avec la même générosité et préfère l’hommage sincère conjugué au délire entre potes plutôt que la parodie grasse et gratuite. Il soigne l’ambiance comme les blagues, en profite pour épicer le récit d’une histoire de reconquête amoureuse rondement menée, poursuit la relecture du sous-texte inhérent au genre avec intelligence et impertinence (le générique, le zapping final sont délicieux dans l'acuité du regard qu'ils portent sur notre Z-ociété ^^) et consacre un duo de trublions tendres et drôles : de la bonhommie désopilante de Nick Frost, sorte de meilleur-pote-de-toujours idéal, aux différentes gammes que joue en virtuose Simon Pegg tout au long de son personnage, toujours sur le mode subtilement ironique qui le caractérise.

 

Pour moi, LE film – de, sur des, fait par des, à voir entre – potes.

 

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20 janvier 2013

Requiem pour un rêve

Mulholland Drive -

(2001)

David Lynch

 

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Une mystérieuse femme réchappe à un terrible accident de voiture alors qu'elle était sur le point de se faire tuer. Amnésique, blessée, elle erre dans la nuit, depuis la sinueuse route de Mulholland Drive jusque dans les boulevards célèbres de la Cité des Anges. Elle se réfugie dans la première maison qu'elle trouve, l'appartement de la tante de Betty Elms, apprentie comédienne fraîchement débarquée de province et venue conquérir Hollywood. Intriguée par cette inconnue qui se fait appeler Rita, Betty, en tentant de l'aider à retrouver la mémoire, découvre dans son sac des liasses de dollars et une mystérieuse clef bleue...

 

Mulholland Drive est un fantôme, une âme. Un fantôme qui hante déjà le panthéon des grands classiques hollywoodiens, croisant les spectres de Billy Wilder, d’Hitchcock, de Sirk, de Welles… Un film né fantôme, hors du temps, funèbre presque, épitaphe de ses héroïnes, et d’un rêve, et celle d’Hollywood et de l’œuvre de son génial auteur qu’elle engloutit, et peut-être enterre.

 

Mais Mulholland Drive c’est aussi une âme, un cœur qui bat, qui pleure, qui meurt. Jusqu’à la fin, les larmes  perlent mais restent à l'œil, retenues par cette ambivalence dans les sentiments que le film provoque. Les personnages ont une longueur d'avance sur nous, toujours. Après une scène d'amour, moment de quiétude et d'extase, après le choc de la confrontation avec la pourriture et la mort, Rita se réveille. "Tout va mal". On ne sait pas pourquoi, mais l'on devine qu'il faut déjà faire le deuil du bonheur, le deuil du rêve. Le chant de Rebecca Del Rio résonne avec poigne dans nos cœurs, mais c'est le chant du cygne, un chant fantomatique par-dessus l'agonie. C'est l'illusion.

 

Il y a quelque chose de désespéré, de beau et triste, mais quelque chose d'effrayant aussi dans Mulholland Drive. Cette boîte bleue, qui n'attendait que les larmes et le bonheur pour apparaître et tout détruire, tout engloutir, comme l’assassin des rêves. Le malaise s'installe derrière chaque moment de plaisir, comme l’idée de perte derrière chaque bonheur naissant, une idée hideuse et tragique, comme un monstre honteux qui s’apprête à surgir de derrière tous les murs où s’appuient la joie de Rita et Betty.

 

Aucun cinéaste n’a jamais su m’émouvoir comme Lynch, et il distille ici l’essence universelle de son talent génial. Les larmes de détresse que tente en vain de dissimuler Diane devant le bonheur cruel de Camilla qui se moque de sa peine, les rictus soudain sinistres de deux vieillards qui, deux minutes auparavant, s’affichaient sous un jour bienveillant et chaleureux, comme la Mort démasquée, la petite tappe humilante qu’adresse Coco sur la main de Diane, ou même les piques amoureuses que lance à Adam son assistante visiblement secrètement éprise de lui : Mulholland Drive tutoie les sentiments et les tourments humains comme rarement dans un film et les dépeint jusque dans les atomes des gestes, des caresses et des larmes. Et si les larmes perlent durant tout le métrage, son final terrassant, avec ces visages angéliques – ces deux superbes actrices – se mêlant aux étoiles, vient à bout de toute rétention lacrymale.

 

Mulholland Drive, l'autre Poème de l'âme*, n'en finira jamais de nous hanter. 

 

* cf. le cycle éponyme de Louis Janmot, avec qui le film de Lynch partage d'étranges similitudes

 

13 janvier 2013

The more I try to erase you, the more that you appear*

Eternal Sunshine of the Spotless Mind -

(2004)

Michel Gondry

 

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Timide, silencieux, renfermé sur lui-même, Joel Barish rencontre par hasard à la veille de la Saint Valentin Clémentine Kruczynski, une jeune femme extravertie et pétillante de vie, sur une plage enneigée, alors qu'il dessinnait sur son petit carnet. Ils sont inexplicablement attirés l'un par l'autre, malgré leurs personnalités radicalement différentes. Ce qu'ils ignorent alors tous deux, c'est qu'ils ont déjà formé un couple deux ans plus tôt, suite à quoi ils avaient fait le choix d'effacer toute trace l'un de l'autre de leur mémoire...

 

Romance lacunaire et kaléidoscopique, très belle retranscription d’un esprit malade de chagrin, en manque de l’autre, rendant palpable la dégradation du monde qui fait suite à une rupture douloureuse, sa perte de cohérence et de sens : le film de Gondry surpasse son statut de film à la structure alambiquée et au scénario qui crierait trop son intelligence, en révélant son cœur en pleur, et en réussissant à rendre à l’image cet état particulier dans lequel on peut se trouver après une séparation malheureuse, dans un vibrant - mais humble - hommage à Je t'aime, je t'aime d'Alain Resnais.

 

Cette errance ruminatoire qui nous fait reprendre à rebours l’histoire qui s’est achevée , et nous fait remonter le fleuve d'un amour déçu jusqu'à sa source, de souvenir en souvenir, de proche en proche, de regret en regret, réinventant sa mémoire par des paroles qu’on a pas osé dire, des gestes qu’on a pas cru utile de faire, comme lorsque le timide Joël décide de rester sur la plage et de prolonger le souvenir de sa première rencontre avec Clémentine.

 

C’est touchant de voir Joël guidé par le souvenir de celle qu’il aime, comme elle est une partie de lui, comme elle a toujours été là, toujours été la femme, toutes les femmes. Comment il l’emmène à la découverte de lui-même à travers sa mémoire, comment il s’excuse auprès du souvenir qu'il a de Clémentine d’avoir voulu l’oublier.

 

Voilà un beau film auquel je tiens beaucoup, une belle fable sur les malheurs passés et les amours brisés, déroulé dans le coeur d'un grand timide - amoureux éperdu - et perdu -, narrée par ses murmures qui agacent tant Clémentine tellement elle le trouve inaudible le peu de fois où il lui parle.

 

Jim Carrey, le bout de son col de chemise dépassant de son pull tout au long du film (détail important ^^ qui me parle tout à fait ^^ ), incarne à merveille cette introversion mélancolique, dans ses bégaiements, son évitement parfois agaçant des regards et des conflits, son air désespérément perdu, sa gestuelle hésitante, et son romantisme discret mais profond. A ses côtés, Kate Winslet, lumineuse, piquante et délicieusement sauvage complète ce couple mal accordé - mais / et donc - si attachant.

 

Ce couple, dont le dernier échange, entre rires et sanglots, me flingue net à chaque fois.

 

* The Eraser (Thom Yorke)

 

6 janvier 2013

Mickey l'Ange

Angel Heart -

(1987)

Alan Parker

 

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1955, New York... Harry Angel, détective privé, est contacté par l'étrange Louis Cyphre qui souhaite l'engager pour retrouver la trace de Johnny Favorite, un ancien crooner disparu douze ans plus tôt, avant qu'il ne puisse s'acquitter de sa dette envers Cyphre. En suivant les traces que l'ancien chanteur a laissé derrière lui, Angel se retrouve plongé malgré lui dans un univers de plus en plus sordide et inquiètant...

 

Je me souviens avoir été fasciné en même temps que terrifié à la découverte de ce film, plus jeune, trop jeune sans doute. Son ambiance suffocante et crasseuse, sa peinture d’un monde en pleine déliquescence, rongé par une humidité vénéneuse : ce mal indicible et souterrain dont semblaient transpirer les murs, les êtres, les mémoires. Et le regard de cet enfant, à la fin, pointant d’un doigt accablant l’imposture de l’ange.

 

J’avais très peur en le revoyant de n’y voir qu’un vieil objet des années 80, avec sa patine criarde et branchée, la hantise de ne plus y trouver qu’un Fame en mode policier-occulte.

 

Soulagement : Angel Heart  est toujours ce petit monument d’angoisse, un exemple de déroulement en spirale d’une enquête aux accents faustiens, emballée en film-noir moite et brumeux, cadencée par des interludes fantasmagoriques à la beauté effroyable et par le refrain jazzy de Girl of My Dreams que fredonne sans cesse Mickey Rourke, détournée en une ritournelle étrange et malaisante.

 

Parker soigne la reconstitution peu reluisante d’une Amérique des fifties, multiplie pernicieusement les détails (le diable est dans les détails, Polanski l’avait compris) pour mieux mettre en place son final implacable et déconcertant, à la fois ironique et tragique, lors duquel la confrontation entre Rourke et De Niro, tous deux géniaux, atteint son acmé.

 

1 janvier 2013

Veridis Quo

- Interstella 5555 : The 5tory of the 5ecret 5tar 5ystem -

- インターステラ5555, Intāsutera Fō Faibu -

(2003)

Leiji Matsumoto, Daft Punk

 

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Quatre musiciens sont enlevés durant l'un de leurs concerts sur leur planète natale et amenés de force sur Terre où, travestis en humains, ils deviennent des stars planétaires au sein du groupe Crescendolls. Derrière les écrans de la célébrité, leur maléfique producteur - Earl de Darkwood - les manipule comme de misèrables pions sur son échiquier du show business, les privant ainsi de tout souvenir et de tout sentiment.

 

Discovery est un album qui m’est très cher. Il a cette sonorité si particulière et paradoxale de la nostalgie des fêtes passées – celles passées moins à danser  qu'à regarder les filles danser -, une musique élevée à un volume écrasant qui effaçait l’évanescence des conversations et des rires et qui imposait aussi de se faire plus proche pour parler à l’autre – ou de le faire par un sourire, un regard.

 

Surtout, l’album présentait cette légère sourdine un peu mélancolique de la play-list étouffée par le double-vitrage, quand on regarde de l’extérieur les autres s’amuser à une soirée dans laquelle, soudain, on ne se sent plus tout à fait à sa place. Et il y avait ces mélodies festives qui pouvaient paraître pourtant infiniment tristes quand on n’a pas le cœur à la fête. Un peu comme la bande originale de ces moments où l’on se sent si seul quand on est dans le monde.

 

Le film de Matsumoto ne fait pas qu’illustrer Discovery (dans ses répétitions et ses superpositions, dans son processus de récupération et de réinvention, dans son délicieux parfum japonisant de bande son d’œuvres videoludiques vintage), il n’est pas non plus qu’une démonstration ahurissante de narration d’une surprenante histoire en forme de boule à facettes, pleine de reflets des mondes (du star-system uniformisant, de l’industrie aliénante du spectacle,…) et d’hommages en éclats (de 2001  à Phantom Of The Paradise , … en passant par Goldorak !). Pour moi, il est avant tout l’incarnation poignante de ce pincement au cœur que l’album me donnait à ressentir, dans sa peinture d’une société transformée en gigantesque fête bruyante et superficielle, qui jettent ces protagonistes musiciens au centre d’une foule qui les admire mais ne les voient pas, dans leur détresse, leur vide, dans leur inadéquation au monde.

 

Puis, dans son second mouvement, quand il délivre ses héros, l’anime évoque cet autre resserrement du cœur qu’on éprouve lors des retours de soirée, sur la route, moins nombreux mais moins seuls, loin du monde - ou plutôt entre deux mondes -, quand le jour commence à percer la nuit, la fille endormie à l’arrière de la voiture, le paysage qui défile et la musique qui résonne encore dans la tête. Et dans le coeur.

 

Et cette proximité des êtres qui n’est jamais aussi intense qu’au moment de se séparer. Semblable à ce que ce merveilleux film nous donne à ressentir lorsqu’il nous quitte.

 

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1 janvier 2013

La Planète des Songes

- Planète Interdite -

- Forbidden Planet  -

(1957)

Fred McWilcox

 

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C'est l'année 2257. Le croiseur spatial C-57-D du commandant Adams vogue vers la planète Altaïr 4 pour secourir le Bellérophon, un vaisseau d'exploration dont l'équipage n'a plus donné signe de vie depuis 19 ans. Arrivé à destination, l'équipage ne découvre que deux survivants : le docteur Morbius et sa fille Altaira, assistés de Robby, le robot. Alors que le Docteur Morbius guide l'équipage de sauveteurs à travers les derniers vestiges d’une civilisation hautement évoluée et disparue ayant jadis régné sur ce monde, une mystérieuse force invisible et destrutrice s'éveille, semblable à celle qui aurait tué un à un tous les membres de l'équipage du Bellérophon, il y a 19 ans...

 

Le magma sonore angoissant de Louis & Bebe Barron ouvre avec étrangeté le voyage vers cette Planète Intedite, véritable sésame sur une œuvre séminale de la SF à la beauté chatoyante et délicieusement désuète.

 

Découvert tout jeune, grisé par les fascinantes lignes de perspective de ces superbes peintures sur verre qui nous illusionnent tout un florilège de décors immenses, happé par le vertige des distances énoncées et des nombres et puissances multipliés à l’infini, Planète Intedite est un pur concentré d’émerveillement. Avec son esthétique savoureuse et colorée, quelque part entre Chesley Bonestell et Chuck Jones, ses superbes intérieurs art-déco, ses extérieurs aux teintes préhistoriques dignes des fresques de Zallinger, ce monument oublié de la science-fiction est un véritable écarquilleur de mirettes.

 

Avec l’âge, le film a su révéler d’autres atours tout aussi précieux : la plastique de la sublime Anne Francis donnant sensualité et insolence à son Altaira, petit affront d’indépendance à une Amérique paternaliste empreinte de puritanisme et de misogynie, le plaisir cocasse d’y voir Leslie Nielsen – l’éternel Lt. Frank Drebin – dans un rôle assez jeune premier et - surtout - sérieux.

 

Et par-dessus tout, c'est la richesse de son scénario qui surprend, conjuguant au futur Jules Vernes, Shakespeare et Jung comme pour y annoter - en marge de ce chatoiement - une belle fable écrite en ombre sur cette violence latente qu’il faut apprivoiser, sur l’arrimage toujours périlleux d’une conscience sur les rivages des fantasmes, et sur ce Mal souterrain qui règne sur cette planète des songes, inconsciemment avalisé par le besoin qu’à l’Homme de contrôle, de liberté et de possession.

 

16 décembre 2012

Don't dream it's over

- Adventureland -

(2008)

Greg Mottola

 

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1987. Fin de l'adolescence, fin des cours. Début de l'été. James, rêveur, étudiant, idéaliste, se retrouve contraint d'accepter un job minable dans un parc d'attractions pour financer ses études, et son voyage dans le vieux monde. Des liens se nouent, des coeurs se brisent, des rêves s'effritent lors d'un été mémorable qui va changer sa vie.

 

Sa bande originale, c’est beaucoup celle de la jeunesse de mes parents, celle qui, du coup, accompagne mes tous premiers souvenirs. Peut-être est-ce justement parce qu’il réactualise toute cette mémoire en moi qu’Adventureland me semble si important et si intime.

 

Rien que pour ce feu d’artifice sur la chanson nostalgique de Crowed House - sublime  Don't dream it's over - et c’est tout un paquet de souvenirs qui se réactivent dans la tête et dans le cœur. Je me souviens avoir vécu cette scène, avoir été ces personnages. Je me souviens avoir assisté à ce manège de détonations étincelantes avec le même émerveillement enfantin qu’Em. Je me souviens avoir été James, tombant amoureux, touché par la beauté d’un être, par son regard émerveillé sur le monde, dans la magie d’un soir d’été, porté par ce sentiment de privilège d’avoir remarqué cette grâce. Et je me souviens avoir été Joel, ami déçu, prisonnier des amours jamais osées, cœur doucement meurtri par le spectacle tragique de cet amour naissant entre la fille qu’il aime et son ami, observateur d’une jeunesse qu’il n’a plus et dont il n’a pas su vivre les rêves.

 

« Ne rêve pas, c’est terminé » nous dit la chanson.

 

Adventureland cristallise toute la poésie de ces petits moments, véritables bijoux de la mémoire si précieux à notre existence, comme autant d’étés dans notre cœur.

 

Décorum me rappelant les souvenirs colorés des grandes ducasses de mon enfance, hésitation fiévreuse et sensuelle du jeu de Kristen Stewart, discrétion mélancolique de Jesse Eisenberg, couple délicat sacralisé dans un final euphorique, présence palpable du fantôme de Lou Reed, tendresse du regard de son réalisateur, et très, très grand petit film.

 

9 décembre 2012

Belles endormies

- Parle avec elle -

- Hable con ella  -

(2002)

Pedro Almodóvar

 

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Lydia, petite amie de l'écrivain Marco, est plongée dans un profond coma suite à un accident, et emmenée à la clinique El Bosque pour y recevoir des soins. Marco fait alors la rencontre de Benigno, un infirmier au chevet d'Alicia,  jeune danseuse également dans le coma.

 

Almodovar décide de dévoiler son film par l‘image de deux spectateurs voisins et émus, l’un – Marco – par le spectacle qui résonne dans ses souvenirs, l’autre – Benigno – par les larmes de Marco, le renvoyant à sa solitude, celle qui le cloue à son siège d’éternel spectateur de la vie des autres.

 

Benigno est un superbe personnage, transfigurant le mélodrame du film en une poignante déclaration d’amour à l’art et à la vie, à travers le lyrisme fragile de son regard soufflé de verre par la lente asphyxie d’une vie esseulée, regardant vivre le monde comme on regarderait une œuvre d’art. La vie d’Alicia devient une danse épiée au travers de sa fenêtre, son corps une statue de porcelaine fragile qu’il entretient avec amour et délicatesse, Marco un carnet de voyage dans la mémoire et les amours éteintes.

 

Evoluant dans ce spectacle vivant des destinées humaines, Benigno, le spectateur amoureux, traverse l’écran pour redonner parole au mutisme contraint de ses amours, au corps silencieux d’Alicia, au passé douloureux de Marco, et aux sentiments interdits. Et de l’autre côté de l’écran, de l’autre côté de sa fenêtre, de l’autre côté du corps, Benigno ne peut que se heurter aux drames, et les provoquer peut-être, condamné - par la vie et par une société cruelle - à n’être qu’un spectateur de la vie, et puni d’avoir voulu vivre et aimer. Une fois franchi, point de retour possible de l'autre côté pour Benigno qui laisse Marco en pleurs derrière l’écran, à son tour spectateur du drame de son ami.

 

Parle avec elle est une bouleversante histoire d’amitié, d’amour presque, entre ces deux héros, une terrible peinture de cette tragédie d’être seul, ensoleillée par la présence chaleureuse de deux astres féminins, semblant redéfinir l’alternance des jours et des nuits du monde amoureux, ponctuée par la grâce émouvante et triste de spectacles, comme cet hommage magnifique à L'Homme qui rétrécit .

 

 

9 décembre 2012

Romance post-humaine

- Wall·e  -

(2008)

Andrew Stanton 

 

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Wall-e est un petit robot, c'est aussi l'un des tous derniers habitants de la Terre, cette planète sinistrée, véritable monde-poubelle de par la négligence humaine, monde qu'il a par ailleurs pour mission de nettoyer. Ce qu'il fait, de manière routinère. Depuis 700 ans. Jusqu'à ce jour où la jolie sonde Eve débarque sur Terre. Et dans sa vie.

 

Dans une société qui entérine insidieusement cette vision effroyable d’une civilisation réduite à un ventre énorme, estomac collectif en proie à un appétit éternellement insatiable, et où l’esprit est un ventre, le cœur est un ventre, Wall-e exhume les fossiles de l’Humanité, re-raconte la préhistoire des sentiments, réécrit l’équation primitive des relations, et emballe son miracle dans les velours nostalgiques des débuts du cinéma.

 

Il faut voir quelle puissance émotionnelle se dégage de l’abnégation totale de ces imitations de vie (Wall-e et Eve) dans leur périple plein d’embuches pour la préservation d’une véritable forme de vie ! Il y a quelque chose d’infiniment et de simplement touchant dans la précaution avec laquelle les deux robots manipulent ce précieux et fragile embryon de fleur.

 

Alors que la décennie s’est achevée par le triomphe d’un film qui nous montrait la triste commémoration de la mort d’un regard sur le vrai du monde, de l’abandon d’un corps devenu infirme, du déracinement d’un homme d’avec la terre malade qui l’a vu naître et d’avec son espèce, véritable promotion de la séduction du virtuel, devenu ce vrai-faux dernier Eden de l’idéal, de l’absolu, des relations, Wall-e est une célébration salvatrice de la redécouverte essentielle du vrai, du réapprentissage du langage entre les êtres et du contact entre les corps, plein d’aspiration à la réconciliation d’avec ce monde qu’on a abîmé et abandonné - mais d’où l’on vient - de la remise en mouvement d’un corps infirmé par la prison des interfaces virtuelles. Quelle gageure pour un film d’animation où tout est factice que de délivrer une telle publicité pour le Vrai ! Jusque dans son travail pictural qui investit de manière confondante les textures dans une bluffante reproduction de l’authentique, de la rouille de la carcasse de Wall-e jusqu’au fuselage glossy d’Eve, donnant au film une impression quasiment tactile, et où jurent la présence d’une humanité qui, dans sa dépendance au virtuel, n’est plus qu’une foule artificielle de personnages… virtuels.

 

Rythme trépidant de la narration, capacité d’émerveillement hors du commun, euphorie galvanisante de séquences de pure poésie (ce ballet spatial entre les robots, …), humour dévastateur, attachement infini à ses personnages, optimisme salutaire qui ne vient jamais masquer l’écho lointain mais pertinent du cri d’alarme lancé par le film… Pixar atteint ici son altitude de croisière, et nous met définitivement le cœur en apesanteur.

 

Et ça fait un bien fou !

 

2 décembre 2012

Toujours un port trop loin

- Since I Left You -

(2000)

The Avalanches


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Comme un souvenir de vacances, comme une compilation de morceaux d'étés passés sur le sable à l'ombre d'un parasol, ce disque possède cette nostalgie revigorante, un souffle paradoxal, chaleureux mais un peu amer. A la fois foutraque et extrêmement architecturé, à la fois festif et doucement mélancolique, c'est une tempête sonore emportée d'éléments incroyablement hétéroclites en même temps qu'un album d'une cohésion proprement hallucinante.

 

Ce disque, c'est un navire de plaisance lancé à toute blinde, brisant les vagues d'un océan d'ambiances totalement immersives : la corne d'un navire résonne au loin, puis c'est la grosse chouille de la cabine d'à côté qui chatouille l'oreille, avec le son étouffé de ces fêtes voisines qui vous pince le coeur...

 

Les deux commandants australiens d'Avalanches superposent avec un brio surnaturel une quantité gargantuesque de samples, et alors qu'ils changent incessamment de cap (de l'electro à la funk, en passant par le hi-hop, le trip-hop, l'electro...), les "pistes" s'enchaînent avec une fluidité insolente, légèrement chaloupée, formant un tout pratiquement indivisible.

 

Difficile d'extraire un morceaux de ce bloc qui maintient un niveau d'excellence sur toute sa longueur. Seul le génialissime Frontier Psychiatrist se démarque légèrement, avec ses samples déments de dialogues de vieilles séries télé, de hennissements, de choeurs élégiaques...

 

Mais l'homogénéité de Since I left You n'est en rien synonyme de monotonie. Cette pièce est parcourue de changements d'humeurs, de rythmes, de couleur avec des samples dont les origines brassent en vrac dance, musique folklorique, disco, rock, electro, bandes originales de shows télé, de séries télé rétro et même de jingles publicitaires !

 

Néanmoins, du début à la fin, cet indéfectible parfum de soleil, cette fraîcheur estivale et sensuelle traversent l'auditeur, lui collent à la peau, un peu comme ce qu'on emporte avec soi au terme d'un séjour de vacances, du sable dans les chaussures et des souvenirs plein le coeur.

 

 

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