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20 janvier 2013

Requiem pour un rêve

Mulholland Drive -

(2001)

David Lynch

 

mulholland-drive[1]1

 

 

Une mystérieuse femme réchappe à un terrible accident de voiture alors qu'elle était sur le point de se faire tuer. Amnésique, blessée, elle erre dans la nuit, depuis la sinueuse route de Mulholland Drive jusque dans les boulevards célèbres de la Cité des Anges. Elle se réfugie dans la première maison qu'elle trouve, l'appartement de la tante de Betty Elms, apprentie comédienne fraîchement débarquée de province et venue conquérir Hollywood. Intriguée par cette inconnue qui se fait appeler Rita, Betty, en tentant de l'aider à retrouver la mémoire, découvre dans son sac des liasses de dollars et une mystérieuse clef bleue...

 

Mulholland Drive est un fantôme, une âme. Un fantôme qui hante déjà le panthéon des grands classiques hollywoodiens, croisant les spectres de Billy Wilder, d’Hitchcock, de Sirk, de Welles… Un film né fantôme, hors du temps, funèbre presque, épitaphe de ses héroïnes, et d’un rêve, et celle d’Hollywood et de l’œuvre de son génial auteur qu’elle engloutit, et peut-être enterre.

 

Mais Mulholland Drive c’est aussi une âme, un cœur qui bat, qui pleure, qui meurt. Jusqu’à la fin, les larmes  perlent mais restent à l'œil, retenues par cette ambivalence dans les sentiments que le film provoque. Les personnages ont une longueur d'avance sur nous, toujours. Après une scène d'amour, moment de quiétude et d'extase, après le choc de la confrontation avec la pourriture et la mort, Rita se réveille. "Tout va mal". On ne sait pas pourquoi, mais l'on devine qu'il faut déjà faire le deuil du bonheur, le deuil du rêve. Le chant de Rebecca Del Rio résonne avec poigne dans nos cœurs, mais c'est le chant du cygne, un chant fantomatique par-dessus l'agonie. C'est l'illusion.

 

Il y a quelque chose de désespéré, de beau et triste, mais quelque chose d'effrayant aussi dans Mulholland Drive. Cette boîte bleue, qui n'attendait que les larmes et le bonheur pour apparaître et tout détruire, tout engloutir, comme l’assassin des rêves. Le malaise s'installe derrière chaque moment de plaisir, comme l’idée de perte derrière chaque bonheur naissant, une idée hideuse et tragique, comme un monstre honteux qui s’apprête à surgir de derrière tous les murs où s’appuient la joie de Rita et Betty.

 

Aucun cinéaste n’a jamais su m’émouvoir comme Lynch, et il distille ici l’essence universelle de son talent génial. Les larmes de détresse que tente en vain de dissimuler Diane devant le bonheur cruel de Camilla qui se moque de sa peine, les rictus soudain sinistres de deux vieillards qui, deux minutes auparavant, s’affichaient sous un jour bienveillant et chaleureux, comme la Mort démasquée, la petite tappe humilante qu’adresse Coco sur la main de Diane, ou même les piques amoureuses que lance à Adam son assistante visiblement secrètement éprise de lui : Mulholland Drive tutoie les sentiments et les tourments humains comme rarement dans un film et les dépeint jusque dans les atomes des gestes, des caresses et des larmes. Et si les larmes perlent durant tout le métrage, son final terrassant, avec ces visages angéliques – ces deux superbes actrices – se mêlant aux étoiles, vient à bout de toute rétention lacrymale.

 

Mulholland Drive, l'autre Poème de l'âme*, n'en finira jamais de nous hanter. 

 

* cf. le cycle éponyme de Louis Janmot, avec qui le film de Lynch partage d'étranges similitudes

 

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